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Le leadership dans l'entreprise hypercomplexe

Face à un monde devenu VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu), les entreprises vivent une véritable disruption.

Au gré des fusions, des adaptations, des transformations, les grandes entreprises sont devenues de plus en plus complexes. Soumises à une concurrence polymorphe et mondiale, défiées par les exigences toujours plus fortes des marchés, les entreprises ont dû développer tout à la fois leurs capacités de changement, leur créativité, leur agilité. Elles sont souvent devenues multi-dimensionnelles : à la structure hiérarchique traditionnelle sont venus s’ajouter la transversalité, le fonctionnement par projets, la nécessaire cross-fertilisation, les structures éphémères. Elles ont vu leurs frontières devenir poreuses, leur management tour à tour « augmenté », « libéré », « partagé », leurs process et ressources digitalisés. La mutation est là aussi profonde et rapide, nécessitant de la part des acteurs des entreprises une adaptation cognitive plus forte que jamais.

Dès les années 80, Edgar MORIN parlait de « système hypercomplexe ». Nous nous en approchons de plus en plus en ce qui concerne l’entreprise du XXIème siècle. Bien sûr, cela concerne en premier lieu les entreprises d’une certaine taille, mais les marchés sont aujourd’hui tellement intriqués, interdépendants, que cette évolution touche en fait globalement toutes les tailles et formes d’entreprises.

Nous observons les entreprises avec lesquelles nous travaillons : elles évoluent peu à peu vers l’hypercomplexité, même si souvent des mouvements contradictoires entretiennent des fonctionnements passés. Le changement de paradigme n’est pas encore fait, mais la mutation semble inéluctable. Nous vivons une période de cohabitation entre les modèles du passé et ceux de demain. Peut-être parce que cohabitent aujourd’hui dans l’entreprise les deux générations Digital Immigrants et Digital Natives ?

L’entreprise hypercomplexe se reconnait au fait qu’elle est moins hiérarchisée et moins centralisée. La diminution des contraintes structurelles lui a permis de gagner en aptitude organisationnelle, en créativité et en agilité. Tout se passe comme si l’intelligence collective était devenue le principe essentiel du fonctionnement de l’organisation, permettant l’émergence de nouvelles propriétés, créatrices de valeur.

L’entreprise hypercomplexe est constituée d’entités autonomes. Cela signifie que chacune dispose en son sein des capacités de décision et d’action nécessaires pour assumer ses responsabilités. On parle ainsi de polycentrisme. L’autonomie est conçue selon le principe de l’interdépendance : chaque entité est consciente de l’impact de ses décisions et de ses actions sur l’ensemble de l’organisation ; elle s’inscrit délibérément comme étant « au service du projet commun ». Une communauté de valeurs et de sens réunit l’ensemble des entités.

L’entreprise hypercomplexe est caractérisée par des interactions fortes entre les entités qui la constituent, avec une fluidité des échanges et des retours d’expériences et une capacité particulière à optimiser les synergies là où cela est indispensable. Les interactions sont aussi multiples et constantes avec l’environnement : la porosité des frontières élargit les champs d’actions et les modes de partenariats. Les connexions se font parfois par hasard, en fonction des opportunités, de ce qui émerge de la complexité et de l’accélération. C’est ainsi que nait la créativité et l’innovation : par la sérendipité et les confrontations plus que par la spécialisation ou l’expertise de quelques-uns.  L’entreprise hypercomplexe se nourrit des bruits faibles et des aléas, là où l’entreprise traditionnelle cherche à les cerner ou à les réduire. Elle est agile dans le désordre.

En résumé, les différences entre tradition et hypercomplexité

Entreprise traditionnelle

  • Un fonctionnement fondé sur la hiérarchie

  • Le filtrage et le traitement des « bruits » et des aléas

  • L’innovation dans des entités spécialisées

  • La rigueur des méthodes et process

  • L’incertitude des moyens

Entreprise hypercomplexe

  • Un fonctionnement heuristique et polycentré

  • La valorisation de la sérendipité

  • La créativité aux « frontières »

  • La souplesse des méthodes et process

  • L’incertitude des fins

Le passage de l’entreprise traditionnelle vers l’entreprise hypercomplexe se fait progressivement.

Nous voyons la transformation s’opérer peu à peu dans les entreprises avec lesquelles nous travaillons. Elle se fait à la fois au travers de programmes initiés par la Direction Générale ou la DRH, et naturellement par l’influence croissante de nouveaux comportements des Digital Natives (qui prennent de plus en plus de responsabilités de management), des partenaires clients, fournisseurs, sous-traitants.

La plupart des programmes menés par les DG ou les DRH portent sur la simplification des process, l’allègement des règles, le passage d’une culture managériale hiérarchique à une culture du management transversal. Ils ont aussi pour objectif d’optimiser l’intelligence collective, en valorisant la transversalité, en développant les capacités collectives (travail en équipe, qualité des réunions, métacommunication).

Tout cela n’est vertueux que si la culture managériale évolue radicalement, et si le leadership lui-même se transforme profondément. Les leaders de l’entreprise hypercomplexe sont donc confrontés à de nouveaux enjeux, car il y a un risque dans l’hypercomplexité : l’instabilité et le fait de se perdre au milieu des bruits et des changements incessants !

Fanchic BabronComment